Médicaments et grossesse : des pictogrammes trop alarmistes selon l’Académie de médecine et le CRAT
Depuis bientôt 6 mois, les médicaments considérés comme dangereux pendant la grossesse doivent porter un pictogramme d’avertissement pour les femmes enceintes. L’Académie nationale de médecine, et le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes (CRAT) s’inquiètent des effets délétères voire contre-productifs de ce message.
Depuis le 17 octobre 2017, la réglementation impose aux entreprises pharmaceutiques d’apposer un pictogramme spécifique sur les boîtes de médicaments présentant des risques pendant la grossesse.
Le pictogramme permet de rendre visible, sur la boîte extérieure, une information figurant déjà dans la notice de ces médicaments. En fonction du type de risque et de la présence ou non d’alternative thérapeutiques, deux types de pictogrammes sont prévus avec la mention « Danger » ou la mention « Interdit ».
Un grand nombre de médicaments étant concerné, le déploiement de ce dispositif se fait de manière progressive, laissant aux industriels le temps d’adapter leurs lignes de production.
Après quelques mois, l’Académie nationale de médecine a émis un avis le 6 février 2018 [LIEN], critiquant l’imprécision de la réglementation et s’inquiétant de la multiplication de ces pictogrammes apposés sur les médicaments.
Selon l’Académie, alors qu’une quinzaine seulement de substances sont connues comme tératogènes chez l’humain (en dehors des antimitotiques) et une quarantaine comme fœtotoxiques, 60 à 70 % des spécialités pharmaceutiques pourraient, dans les faits, se voir apposer un pictogramme « Interdit » ou « Danger ». Ils considèrent également que la distinction entre les 2 pictogrammes est très minime et donc difficile à faire visuellement, à partir des 2 images.
Cette position est également celle du Centre de Référence sur les Agents Tératogènes (CRAT), qui a alerté les autorités de santé dès la parution du décret. Le CRAT avait souligné les effets contre-productifs, voire délétères, du texte tel qu’il était rédigé, ce qui malheureusement se confirme depuis son application.
Le CRAT souligne ainsi (dans un article sur le sujet) [LIEN], une vague d’inquiétude non fondée sur la base des connaissances actuelles, puisqu’en lieu et place d’au maximum 10% des spécialités qui relèveraient du pictogramme « Interdit », 60 à 70% auront un pictogramme « Interdit » ou « Danger ». Ce bruit de fond ne permettra plus aucune distinction claire entre les niveaux de risque des substances et altérera l’objectif initial, entrainant une confusion tant pour les patientes que pour les professionnels de santé.
L’Académie considère que l’intention de ce décret est tout à fait louable, et propose aux autorités de santé :
- de redéfinir le périmètre de ce décret en limitant les pictogrammes aux 10% de médicaments considérés comme réellement dangereux chez les femmes enceintes
- et de supprimer le pictogramme « Danger » des boites de médicaments, de façon à ce que les patientes reviennent vers les professionnels de santé pour obtenir des informations, ou consultent la notice présente à l’intérieur de la boite de médicament.
Source : Académie nationale de médecine, CRAT
Avis du 6 février 2018
http://www.academie-medecine.fr/pictogrammes-grossesse-sur-les-conditionnements-de-medicaments-une-intention-louable-des-consequences-incertaines/
Article du CRAT
https://lecrat.fr/spip.php?page=article&id_article=1034